Lorsque j'étais petite fille
-----------------------------

lorsque j'étais petite fille
j'avais des poupées
la tête arrachée
couvertes de caca
mon petit frère
devait les lécher
avant de vomir
dans le frigidaire
sur le camembert
de grand-père
qui le mangeait aussitôt
ça faisait plaisir à grand-mère
qui nous donnait
de grandes claques aux asticots
maman et papa regardaient
cachés dans la machine à laver
ils étaient lilliputiens
et dirigeaient
un élevage de nains
qu'ils fournissaient
à des personnes seules
qui s'ennuyaient
ces nains étaient des criminels
sanguinaires
ils revenaient à la maison
couverts de sang
on les revendait
régulièrement

quand j'étais petite fille
j'avais des parents lilliputiens
qui vendaient des nains sanguinaires
grand-père mangeait du camembert au vomi
petit frère léchait le caca des poupées
dont j'avais arraché la tête auparavant
j'étais cachée
et je riais
en faisant pipi
dans ma culotte...



Tendres défuntes
--------------------

je l'ai croisée en cet endroit
elle était morte depuis bien longtemps
je l'avais aperçue
peu de temps avant son décès
à cette soirée
avec la tête de veau
sur un plateau d'argent
elle s'était tournée légèrement vers moi
une partie de son visage
était en décomposition avancée

nous avions enterré le chien
l'année précédente
lorsque la nuit je m'accoudais à la fenêtre
il surgissait du sol
en fontaine putride

mais ce destin fuyant dans l'oubli
renaissait au fil du temps
les villes étaient lointaines
et ce corps disparu
présent à chaque instant
la ruelle franchie
une porte grinçante
et ses jambes écartées
je m'abreuvais au tombeau
qui bruissait de vermine
je glissais dans la vie
avec ces trépassées
étranglé par les yeux
qui luisaient sous ma peau...



La fleur des morts
---------------------

ma fleur des morts
ce pétale ramassé
dans cette église
ni d'Adam ni d'Eve
dans ce petit cercueil
si bas
qu'il passait inaperçu
comme un devoir
sans compassion
la fin de ces tablées
où les plus jeunes
sont déjà des âgés
il y a bien quelques visages
avec une ombre de fraîcheur
mais les regards sont figés
comme pour ne pas déranger
les vieux

je suis un peu usé
j'ai l'air absent
je n'ai pas ce que l'on appelle
du chagrin
pourtant cette petite femme
a fini par bouger
dans le fond de sa tombe
sur sa famille entassée
une tranquillité
est montée vers moi
j'avais jeté ces fleurs
et j'ai vu son sourire
celui de quand j'étais petit
ils parlaient aux alentours
mais je captais de la douceur
celle que je n'avais jamais sentie
du temps où elle respirait
la mort s'entrouvrait
en m'invitant
avec ses caresses parfumées
mon ventre souriait
et les yeux sous mon front
se berçaient
dans l'amour des défunts...